Près de La Charité-sur-Loire et plus précisément dans le hameau de Pète-loup dans la Nièvre, un artiste contemporain reconnu possède une résidence secondaire.
Sa recette pour l'art contemporain :
On commence par Dan Flavin, minimaliste américain, né en 1933, célèbre pour ses installations de tubes néons fluorescents.
On y ajoute Ben Vautier, né en 1935, qui acquiert une certaine notoriété dans les années 60 à travers ses citations.
On obtient alors Claude Lévêque, né en 1953 à Nevers et « Je suis une merde »
On a échappé semble-t-il aux tulipes de Koons, mais on n’échappera pas aux deux gigantesques pneus de tracteur qui vont orner pendant un an l’escalier intérieur de l’Opéra de Paris à l’occasion de ses 350 ans.
L’artiste se défend de toute provocation et déclare : C’est comme un carrousel, une invitation à la danse, à la valse !
Il faut dire que Claude Lévêque peut tout se permettre, puisqu’il fait partie de la dizaine de plasticiens français internationalisables… même si aucun d’eux n’a réussi à l’être malgré l’énorme soutien dont ils ont pu bénéficier pour cela de la part de l’Etat français - donc de l’argent public.
L’artiste dit avoir puisé ses influence dans les milieux festifs parisiens des années 80 où il était un « ambianceur » reconnu des nuits branchées de la capitale ?
Reconverti ensuite à l’art contemporain, Claude Lévêque devint très vite le meilleur « installateur d’atmosphères » dans les lieux de culture et d’art contemporain institutionnels qui raffolent de ses propositions - répulsives pour le commun des mortels mais distinguantes pour le moins commun. Il a d’ailleurs affirmé lui-même qu’une oeuvre est réussie quand on ne peut la supporter plus de trois secondes.
Fervent adepte du tube néon en référence dit-il à « l’Être et le Néon » de Jean-Paul Sartre, il a commis quelques fameuses œuvres, citons notamment « Je suis une merde », « Mon cul, ma vie, mes couilles » et « Ta gueule », dont je vous joins les images.
Les œuvres de cet artiste de la scène franco-française sont présentées par la galerie Kamel Mennour et sont dans la Collection Yvon Lambert. Elles figurent aussi dans la plupart des FRAC et des Musées dédiés à ce type d’art.
Evidemment , ces pneus géants vont déclencher l’inévitable polémique qui va faire monter la cote de l’artiste. Mais au-delà, voici sans doute les bonnes questions à se poser :
1 - Quelle sera la proportion d’amateurs d’art lyrique qui aimeront ces grands pneus ?
2 - Cette œuvre était-elle nécessaire à l’image de l’établissement ?
3 - Quelles sont les personnes qui ont pris la décision de choisir cet artiste ?
4 - Quel est le rôle du Ministère de la Culture dans cette opération ?
5 - Quel est l’implication de la galerie Kamel Mennour ?
6 - Qu’en pense La Mairie de Paris ?
7 - Quel est le coût total de l’oeuvre et quelle en est la part touchée par l’artiste ?
8 - N’y a-t-il pas là une manière d’inciter les gilets jaunes à poursuivre leur combat ?
Nicole Esterolle
Vers la disparition du Ministère de la Culture !
Dans le domaine de la Culture et à moins d'une suite sérieuse donnée au mouvement des Gilets Jaunes, il faudra sans doute encore patienter afin de voir les choses changer.
Pourtant, en supprimant le Ministère de la Culture avec son budget qui progresse par rapport à 2018 pour s'établit à environ dix milliards d’euros, en hausse de 17 millions d’euros, et puisqu'il s'agit, paraît-il, de faire de nécessaires économies, la somme ainsi mise de côté serait loin d'être négligeable.
La disparition du ministère et donc de tout ce qui va avec : Délégation aux arts plastiques, Centres d'art, Villa Médicis, DRAC, FNAC..., aurait en outre l'énorme et démocratique avantage de mettre fin à l'orientation arbitraire et contre nature de la création artistique en France, c'est-à-dire d'en finir avec une forme d'art officiel. Néanmoins un nécessaire secrétariat dédié aux Patrimoines et gestion de quelques établissements publics comme le Louvre, l'Opéra, Versailles..., serait conservé.
De la même façon comme, et semble-t-il c'est devenu de notoriété publique, on n'apprend plus rien dans les écoles d'art, fermons celles-ci et remplaçons-les par des écoles techniques en arts, ce qui fut d'ailleurs le cas à l'origine de la création des écoles - techniques - des Beaux-Arts.
Peu après 1968, sont également apparues en concurrence aux écoles d'art, les filières universitaires d'arts plastiques qui n’offrent, hélas, aucune perspective de débouchés mis à part l'enseignement – universitaire !
Moins significatif en terme d'économie mais au combien symbolique, mettons fin aux libéralités fiscales des Fondations, de certaines Associations, et taxons les ventes des œuvres d'art lorsqu'elles atteignent des prix qui les associent à de véritables produits de luxe ou autres moyens de spéculation et placement.
A titre d'exemple, ce sont 600 millions d’euros donnés à la Fondation Vuitton, au titre de la défiscalisation, pour ne faire que de la publicité aux produits de la marque. Par la même occasion cet argent public permet d'entretenir les cotes des œuvres d’art de son propriétaire Bernard Arnault, sans oublier celles de la collection de son alter ego François Pinault.
Des collections françaises impersonnelles, sous influences ?
Le deuxième conflit mondial a fait des États-Unis une superpuissance économique, militaire et politique qui découvre alors l'impact du "cultural power".
Dès 1946, le ministère des Affaires Étrangères des États-Unis participe au financement de deux grands programmes d'expositions de peintures, vitrine de l'excellence de l'Art américain, amenées à voyager en Amériques du Sud et en Europe.
Afin de promouvoir ladite excellence, le sénateur Fullbright établit parallèlement un programme de bourses qui permet à des milliers d'intellectuels d'effectuer le « Grand tour » américain pour admirer sa richesse culturelle.
Il s'agit par exemple, d'affirmer et d'établir l'émergence d'une nouvelle école spécifiquement américaine : l'Expressionnisme abstrait avec J.Pollock, M.Rothko, A.Gorky...
Cette école qui reste une construction étroitement liée au contexte de la guerre froide sera soutenue par des fondations, des musées, des universités. Le Rockefeller Brother Fund et le Musée d'Art Moderne de New-York ont ainsi largement promu en Europe le Nouvel Art en organisant nombre de publications et expositions.
Cependant et afin d'être totalement crédible pour asseoir la dimension internationale des expositions, quelques artistes européens bénéficieront également du soutien américain.
En 1950, Pierre Soulage figure ainsi dans des expositions collectives à New-York, Londres, São Paulo, Copenhague. Dès le début des années 50, ses toiles commencent à entrer dans les grands musées comme la Phillips Gallery à Washington, le Musée Guggenheim et, bien entendu, le Museum of Modern Art de New-York.
Le 1er août 1946, le président Harry Truman promulguait le Fulbright Act, créant ainsi un programme d’échanges internationaux conçu pour développer la compréhension mutuelle entre les peuples. Depuis sa création, le programme a soutenu plus de 370 000 lauréats dans 165 pays
Grâce aux sommes récupérées par la vente des surplus militaires et à l'initiative du sénateur américain William Fulbright, qui souhaitait offrir "aux jeunes gens les plus méritants venus de différents pays la possibilité de se rencontrer pour une meilleure connaissance réciproque", le gouvernement américain a pu mettre en place un important programme d'influence, culturel et éducatif, avec les pays désireux d'y participer.
Marc Vérat
Un triptyque de Pierre Soulages mis aux enchères chez Christie's en 2018 pour 1,5 million d'euros
Exposition Soulage et Gilet Jaune
Du 11 décembre 2019 au 9 mars 2020, les toiles de Pierre Soulage seront présentées dans le Salon Carré du musée du Louvre.
"Ils empruntent des toiles à la National Gallery de Washington, au MoMA de New-York, à la Tate de Londres. Tous les grands musées vont prêter. Ils vont décrocher tout le Salon Carré pour installer mes toiles, Giotto, Ucello, et les autres, y compris la Maesta de Cimabue", précise Pierre Soulages dans une interview à la Dépêche du Midi.
L’artiste, né à Rodez en 1919, grand-croix de la Légion d’honneur, fête ses 99 ans et une de ses toiles vient d'ailleurs de franchir la barre de dix millions de dollars aux enchères à New York. Les présidents de la République française viennent tous lui rendre visite avec déférence. Un peintre panthéonisé de son vivant, déifié par le marché international de l’art, exposé en 2009 au Centre Pompidou. Le maître du noir, sera ainsi accueilli au Louvre, dans le saint des saints des musées français. La part de vanité du vieil artiste ne peut donc qu'en être satisfaite.
James Johnson Sweeney fervent soutien du sénateur Fullbright, conservateur au MoMA de New York de 1935 à 1946 puis directeur du Guggenheim de 1952 à 1960 et directeur à la Galerie de France à Paris en 1960, a parrainé Soulages dès le début et participé activement à la reconnaissance du peintre de "l'outrenoir" aux Etats-Unis, avant même celle dont il bénéficiera en France.
Exposition Ad-Reinhardt, New-York 2013
Toujours durant ces années 50 et en complément à l’expressionnisme abstrait, les mêmes Etats-Unis organiseront la promotion du « Minimal Art » traduit par art minimal ou minimalisme, terme employé la première fois par le critique américain Richard Wollheim.
Ce mouvement prétend débarrasser la peinture et la sculpture de tout ce qui ne leur est pas spécifique : plus de sujet, plus de forme, mais seulement la couleur sur un grand format. La planéité sobre, exprimée par quelques couleurs vives, constitue son credo artistique.
Barnett Newman (1905-1970) est l’un des artistes les plus importants de l’école de New-York et du minimalisme. Il réalise des monochromes appelés « All over », ses toiles sont recouvertes uniformément de peinture. Sol Lewitt utilise la ligne horizontale, verticale ou oblique dans un format carré en multipliant les combinaisons. Quant à Robert Ryman, adepte du blanc comme l'est du noir Pierre Soulage, il construit ses toiles avec de forts empâtements. Parmi les artistes de cette tendance on peut encore citer : Kenneth Noland, Ad Reinhardt, Franck Stella.
Robert Ryman
Effectivement, quelques-uns ont trop d'argent alors :
"Ils ne sont plus dans le monde "normal" : ils gâchent, ils gaspillent, ils jouent cruellement, ils choquent. Chaque production de l'art contemporain veut dire avant tout cela : je ne suis pas dans le monde des ploucs qui travaillent, produisent des choses utiles ou réfléchies, je suis au service de l'hyperclasse qui peut gaspiller, distordre, jouer, transgresser, choquer...
A partir de là, je pense qu'il est presque inutile de s'intéresser aux oeuvres et à leur inflation : ce sont de simples signes tout à fait interchangeables pour conforter l'hyperclasse dans son autosatisfaction béate, rien de plus. Lorsque l'on a compris que toute oeuvre d'art contemporain est uniquement le signe d'une distanciation "réussie" - ni trop peu : elle passe inaperçue ; ni trop choc : elle est irrecevable.
En dessous, les "petits bobos" fonctionnent plutôt par fascination pour cette froideur mentale. Cette fascination envieuse pour l'indifférence affective est un mode de fonctionnement mental extrêmement répandu puisqu'il y a une sorte de dressage au respect de l'artiste glacé."
Je maintiens que la critique théorique de l'art contemporain est faite. On sait que c'est l'art correspondant à une certaine étape, une certaine phase du capitalisme. En fait, il n'y a peut être pas un document livre ou article faisant une critique complète, "systématique" de l'art contemporain, tout simplement parce que les gens qui écrivent n'ont pas les moyens des universités, des institutions de recherche. Mais ce n'est pas très important : on trouve d'excellents articles courts, très mordants et incisifs qui valent bien une thèse universitaire.
Le combat contre l'art contemporain peut et doit donc devenir un combat pratique. Mais ce n'est pas le plus facile !
La spécificité de l'art, au sens des "beaux-arts" c'est évidemment qu'il représente le monde sous forme sensible, affective, esthétique, "pathétique" comme on disait. C'est cette spécificité que l'on doit considérer si l'on veut intervenir dans le monde de l'art, d'une manière ou d'une autre...
Jacky Rossignol
Très peu d'artiste chez les Gilets Jaunes et pourtant !
Et pourtant les artistes auraient eu de bonnes raisons de s’associer à la révolte, car il n’existe aucune catégorie socio-professionnelle aussi maltraitée, méprisée, disqualifiée, instrumentalisée que la leur par un appareil d'état dont l’arrogance symbolise bien ce verticalisme jacobin et technocratique qui est reproché à la gouvernance de ce pays.
En effet, pour ce qui concerne le domaine de la création artistique, le dispositif d’Etat mis en place dans les années 80 par le couple Lang-Mollard, sous prétexte de soutien à la création et d’exception culturelle française, est le seul au monde qui permette un interventionnisme aussi contre-productif et ravageur, aussi injuste envers les artistes et qui justifierait autant une grosse colère de ceux-ci.
Ce dispositif a permis de privilégier un art très exclusif, un art du discours sur l’art, sur son absence ou son non-sens. C’est ainsi que cet art, qualifié de contemporain par un hold up sémantique, persévère aujourd’hui à casser les codes aux frais du contribuable, combien même bien il n’y aurait plus d’argent dans les caisses ni aucuns critères de reconnaissance et de légitimation.
Ce dispositif mis en place est le seul à avoir su conjuguer les vertus du soviétisme le plus bureaucratique à celui du libéralisme le plus échevelé, à avoir su réunir d’une part, une gauche identitaire bien-pensante et, d’autre part, un capitalisme spéculateur, destructeur de l’art véritable.
Il est le seul à avoir fait de ses écoles des Beaux-Arts des lieux de détournement et endoctrinement au duchampisme radical, hautement destructeur d’art.
Il est le seul à avoir pu maintenir pendant quarante ans, un entre-soi aussi verrouillé que sectaire.
Et enfin , comble du comble de l’impudence, tous ceux qui ont osé contester le discours du dispositif d'état seront traités de populistes, de réactionnaires, de lepénistes fascistes, etc...
La dernière manifestation collective d’artistes date du 21 avril 2006. La manifestation avait regroupé 500 personnes environ près du Ministère à Paris, à l’occasion de la réforme du statut des artistes. Manifestation regardée d’un œil très critique par les syndicats SNAP CGT et CAAP.
La fièvre gilets jaunes contribuera-t-elle à sortir les artistes de leur apathie, de leur individualisme et de leur incapacité à se soutenir entre eux ?
On rêve de les voir investir symboliquement les colonnes de Buren ou taguer les tulipes de Koons…
Et si l'on assistait dans le domaine des arts visuels à un effet "gilets jaunes" !
Le fonctionnement de cet appareil d’État dédié à la création plastique obéit également à ce verticalisme jacobin et technocratique, qui est reproché par les « gilets jaunes » à la gouvernance, autant de droite que de gauche, et qui règne en ce pays depuis des décennies.
Cet appareil a réussi à placer le dispositif public français aux services des grands réseaux de spéculation artistique sous influence nord-américaine.
Il a réussi à faire disparaître dans les Ecoles d'art l'enseignement du dessin, sculpture, peinture et gravure, au profit du concept duchampien.
Il a réussi par d’énormes subventions à discréditer la France sur la scène artistique internationale.
Il a réussi à remplir les collections publiques d’œuvres vides de contenu sensible et poétique et qui n’auront aucune valeur dans 20 ans.
Il a réussi, au bout quarante ans de cooptation consanguine, à obtenir cette belle dégénérescence intellectuelle qui les ridiculise.
Il a réussi finalement à détourner le public des choses de l'Art. Alors, pourquoi les artistes n’ont-ils pas su réaliser les premiers ce que les Gilets Jaunes ont eux réussi à faire ?
Nicole Esterolle
L'art contemporain peut être défini comme une succession de prises de distances sur la réalité par des agents ayant réussi à obtenir un statut "magique" d'artiste ou de critiques ; statut garanti par ailleurs institutionnellement par l'ensemble des agents ayant intérêt au maintien de la croyance en la mythologie globale de l'art contemporain.
S'il faut parler clair, l'art contemporain n'est constitué que par l’inter-connivence des agents ayant incorporé une disposition permanente à porter un regard a la fois glacé et ludique sur le monde. En ce sens être cultivé aujourd'hui, c'est maîtriser les codes d'appréciation des transgressions et des distanciations.
L'art contemporain reste avant tout une entreprise de domestication et d’uni-latéralisation de l'esprit humain dans le sens de la glaciation mentale encouragée, légitimée et nécessitée par le néocapitalisme ; il ne représente qu'une suite de distanciations décidées semi-consciemment par des esprits vaguement pervers. Plus précisément encore, il n'est que la disposition mentale d'une classe urbaine aisée, parfois oisives, à poser un regard à la fois glacé et ludique sur le monde. Les objets, ou les « pièces » pour utiliser leur vocable, n'ont aucune importance dans cette histoire.
Le jeu de distanciations "supplémentaires" que nous suggérons d'inventer ici serait indissolublement à la fois un jeu de mise à mort de l'art contemporain et de ses agents, et la mise en oeuvre d'un nouvel étage de pratique artistique.
Parmi les procédés de distanciation, il faut citer le plus efficient qui reste tout simplement l'ironie en ses diverses déclinaisons, l'ironie en majesté, si l'on ose le dire ainsi.
L'ironie reste le moyen essentiel, selon moi, de fluidifier des situations mentales bloquées et indurées.
Jacques Yves Rossignol
Il faut redéfinir l’intervention de l’État dans le champ de la création artistique !
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